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Anaïs Escudié 

Fondatrice et Présidente - RetardVol.fr

23/10/2025

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Paulo Zamo Goncalves

Juriste - RetardVol.fr

23/10/2025

Décret du 5 août 2025 : vers un recul des droits des passagers aériens

Le décret n°2025-772 du 5 août 2025, qui entrera en vigueur le 7 février 2026, marque un tournant inquiétant pour les droits des passagers aériens.
Alors que le règlement européen (CE) n° 261/2004 garantit une indemnisation en cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement, ce décret vient limiter considérablement l’accès à la justice pour les voyageurs, qui sont contraints d’assigner en justice les compagnies aériennes de mauvaise foi.

Une exception inédite dans le droit français.

Désormais, les litiges en matière de transport aérien ne pourront plus être introduits par voie de requête devant le tribunal judiciaire, contrairement à ce qui reste possible pour les autres contentieux civils inférieurs à 5.000€.

Concrètement, les passagers devront obligatoirement :

  • engager une médiation préalable, qui peut durer 6 mois,

  • déposer une assignation individuelle, nécessitant le recours à un commissaire de justice et, bien souvent, à un avocat,

  • respecter des conditions de recevabilité strictes, sous peine d’irrecevabilité.

Le changement majeur résulte de l’obligation d’assigner en justice en lieu et place du dépôt gratuit de requêtes.

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Un dispositif procédural qui retarde plus qu’il ne protège

Le décret n° 2025-772 du 5 août 2025 introduit une innovation procédurale majeure à savoir l’obligation, pour tout passager aérien, de saisir au préalable un médiateur (notamment le médiateur du tourisme et du voyage).

Cela avant toute action judiciaire, sous peine d’irrecevabilité, et aux frais des compagnies aériennes. En application des dispositions de ce décret, la saisine d’un conciliateur de justice ne sera plus envisageable.

La mesure, qui poursuit et s’inspire de l’objectif de désengorgement des tribunaux, place les passagers aériens dans une situation singulière. De plus, elle rallonge mécaniquement les délais de procédure déjà très longs et multiplie les incertitudes.

Il faut rappeler que l’avis rendu par le médiateur n’a aucun effet coercitif. Ni le passager ni la compagnie ne sont tenus par la solution proposée. En d’autres termes, le décret impose une étape procédurale supplémentaire, mais ne résout en rien un problème d’efficience quant aux délais de procédure.

Ce décret n’aurait certainement pas trouvé naissance, si les compagnies aériennes respectaient à la lettre les dispositions du règlement européen (CE) n°261/2004 et si elles n’attendaient pas la veille des audiences pour proposer l’indemnisation due au passager.

“Chacun à sans doute pu faire l’expérience des difficultés à faire valoir ses droits en cas d’annulation ou de retard substantiel d’un vol. Pour les compagnies aériennes, chaque obstacle érigé sur le chemin du passager vers l’indemnisation constitue un espoir de le voir renoncer à son droit ou accepter une offre moins favorable.”

L’Union Syndicale des Magistrats (USM) a indiqué que “ce projet de décret méconnaît radicalement les objectifs poursuivis par ce règlement communautaire alors que chaque Etat doit garantir un niveau élevé de protection des passagers.
Plutôt que de sanctionner le consommateur, usager des transports aériens, nous avons proposé l’application de sanctions financières significatives à l’encontre des compagnies aériennes réticentes à indemniser de manière sérieuse les usagers.
Nous avons enfin rappelé que ne pouvait être accepté le fait de démotiver les justiciables économiquement plus faibles en complexifiant leurs démarches pour saisir un juge, et ce, afin de compenser tant l’absence de moyens alloués à la justice que le faible nombre de magistrats.” 

Le décret du 5 août 2025 ou l’art de décevoir toutes les parties visées

Les passagers du transport aérien sont évidemment les premiers à être pénalisés par le décret.

Le bien-fondé de ce décret est contestable. En effet, uniquement les passagers aériens devront solliciter le recours payant d’un commissaire de justice pour délivrer l’acte d’assignation (de 50€ à 150€ de frais de délivrance). Indéniablement, il y aura une disproportion entre l’indemnité réglementaire prévue (entre 250€ et 600€) et le coût de la procédure. En effet, en raison du montant du litige les passagers ne pourront plus agir en justice lorsque les compagnies aériennes ne versent pas les indemnisations dues. Ils ne pourront plus bénéficier d’un accès gratuit à la justicealors que les requêtes gratuites sont la norme pour tous les litiges de moins de 5.000 euros et permettent généralement de parvenir à un accord amiable avant de saisir les juridictions compétentes. Cela crée donc indéniablement une justice à deux niveaux.

La critique ne vient pas uniquement des passagers et de leurs représentants. Les compagnies aériennes elles-mêmes ont exprimé leur désaccord. Le décret met à leur charge un coût forfaitaire de 150 euros par dossier porté devant le médiateur. L’intention du gouvernement est claire, et il souhaite inciter les transporteurs à traiter efficacement les réclamations en amont. Mais l’effet produit est ambigu.

Les compagnies aériennes dénoncent également un mécanisme qui leur impose une taxation obligatoire, sans pour autant fermer la voie judiciaire. Ainsi, les passagers devront supporter des délais accrus et des frais indirects. Mais de leur côté, les compagnies devront s’acquitter d’un coût certain, sans garantie d’éteindre le litige. Le dispositif dessert donc aux deux parties, illustre un paradoxe et la volonté de pacification se traduit par une régulation inaboutie.

L’Union Syndicale des Magistrats (USM) a aussi fait part de “son opposition à la mise en place de ces obstacles procéduraux qui restreignent encore une fois l’accès au juge et qui conduisent à sanctionner la partie la plus faible”. Ces derniers ont souligné “que les restrictions posées par ce projet de décret favorisent en réalité les compagnies aériennes qui ont, par le passé, vivement critiqué le règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol.”

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Les zones grises créées par le décret du 5 août 2025

L’analyse de ce texte révèle une atteinte directe au principe d’égalité devant la justice. En effet, les passagers aériens sont les seuls pénalisés en n’ayant plus la possibilité d’exercer un recours en justice sans frais par voie de requête. Aucune autre catégorie qu’il s’agisse des usagers ferroviaires, des voyageurs maritimes ou des consommateurs de biens n’est soumise à une telle contrainte.

Seuls les passagers aériens devront nécessairement recourir aux services d’un avocat pour rédiger l’acte introductif qui ne pourra se faire que par une assignation et par la même recourir aux services d’un commissaire de justice pour délivrer l’acte et obtenir une date d’audience.

Notons que sur le fondement de Bruxelles 1 bis, les juridictions compétentes sont celles de la ville de départ, d’arrivée ou bien le siège social de la compagnie aérienne. Ce qui provoque nécessairement, un encombrement des Tribunaux d’Evry et Aulnay compétent pour les villes d’Orly et CDG. Les délais sont de 4 à 5 années à Aulnay pour le contentieux aérien. La prise de date auprès du greffier s’avère donc être très compliquée voire impossible !

Cette rupture soulève donc une double difficulté. D’une part, elle introduit une inégalité manifeste entre consommateurs. Aucun motif légitime ne justifie cette différence de traitement.

D’autre part, elle questionne la conformité du décret avec le droit fondamental à un recours effectif, garanti par la constitution et l’article 16 de la Déclaration de 1789 et par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme [6].

Une mise en perspective européenne défavorable aux passagers

Le décret s’inscrit dans un contexte où le règlement (CE) n° 261/2004, socle des droits des passagers aériens, fait déjà l’objet d’une réforme en cours d’examen. Or, cette révision tend à restreindre les conditions d’indemnisation, notamment en matière de retards et d’annulations. Dans ce climat normatif, le décret du 5 août 2025 apparaît comme une pièce supplémentaire d’un édifice législatif qui affaiblit progressivement la protection des passagers.

Ce cumul soulève une inquiétude plus générale. La construction européenne et nationale du droit aérien, initialement tournée vers l’équilibre entre transporteurs et usagers, semble désormais pencher du côté des opérateurs. La combinaison de réformes successives accentue un déséquilibre procédural et substantiel, qui rend l’accès effectif à la justice de plus en plus illusoire pour les passagers.

“Ainsi, si la préoccupation de décharger les greffes et les conciliateurs de justice d’un contentieux de masse répond à des préoccupations légitimes, la résolution de la difficulté ne devrait pas se faire au détriment des passagers” souligne le Professeur Jérémy Jourdan Marques.

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Conclusion

En définitive, le décret n° 2025-772 ne réalise pas l’ambition de rationaliser le contentieux aérien. En introduisant un filtre procédural sans portée normative et en imposant des charges nouvelles aux transporteurs, il produit un résultat paradoxal et réussit l’exploit de mécontenter les deux parties sans sécuriser le système. Plus grave encore, il fragilise le principe d’égalité des consommateurs et porte atteinte au droit fondamental d’accès au juge.

À l’heure où l’Union européenne elle-même s’interroge sur le devenir du règlement (CE) n°261/2004, cette initiative nationale interroge sur la véritable balance entre l’intérêt économique des compagnies et la protection juridique des passagers. L’impression dominante est celle d’un recul normatif, symptomatique d’une tendance plus large à affaiblir les droits des usagers dans le transport aérien.

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