Passagers aériens, maritimes et même routiers, qu’en est-il maintenant des passagers ferroviaires ? Il faut reconnaître que la législation européenne est assez étoffée en la matière. Avec ses “trois paquets ferroviaires” constitués d’une multitude de directives - lignes directrices transposées librement par les autorités nationales -, le droit du transport ferroviaire européen a le mérite d’être particulièrement fourni.
La réglementation européenne s’est en effet toujours voulue grande protectrice des consommateurs du transport, comme c’est d’ailleurs le cas pour les passagers aériens protégés par les dispositions du Règlement européen n°261/2004. Sur terre, c’était jusqu’il y a peu le Règlement européen n°1371/2007 du 23 octobre 2007 dit Règlement OSP (Obligations de Services Publics) qui précisait les obligations des transporteurs ferroviaires et du service public en matière de transport public urbain de voyageurs.
Si le texte était pourtant relativement précis et complet, les députés ont décidé de moderniser le Règlement OSP et d’adopter, le 29 avril 2021, le nouveau Règlement européen n°2021/782. Ce dernier confère aux voyageurs ferroviaires de nouveaux droits en cas de retard ou d’annulation de leurs trains, mais également en cas de discrimination. Cette refonte est le fruit d’une longue discussion parlementaire et d’une réflexion et logique toujours plus pro-consommatrice. Selon le Comité économique et social européen, le Règlement existant de 2007 devait nécessairement faire l'objet de diverses modifications et d’une refonte. Pour cause, un double enjeu à la fois économique et social : attirer et encourager le voyage par train à travers le renforcement de la protection existante des voyageurs.
Les règles relatives aux droits des passagers ferroviaires s'appliquent par définition à tous les voyages et services ferroviaires strictement au sein de l'UE. Avec ce nouveau Règlement, l’enjeu était alors d’harmoniser les droits des voyageurs ferroviaires européens et de couvrir l’ensemble du territoire de l’Union d’une parfaite mise en accord des règles de droit différentes. Il s'agissait en effet de modifier les dispositions déjà existantes chez les divers États-membres et de les mettre en cohérence afin de garantir des droits minimaux au sein de l’Union Européenne pour les passagers.
C’est pour cette raison que le Parlement européen et le Conseil de l’Union Européenne ont adopté à l’unisson ce nouveau Règlement européen n°2021/782 le 29 avril 2021, dont les dispositions entreront en vigueur le 7 juin 2023, comme rappelé et précisé par le Sénat dans son Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne dans le domaine du transport.
L’accent sera ici mis sur les droits des passagers ferroviaires en cas de manquement des entreprises ferroviaires à leur égard et en cas d’inexécution du contrat de transport (annulation du voyage, retard ou correspondance manquée).
Comme le souligne la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, les principales modifications de ce nouveau Règlement n°2021/782 portent principalement sur :
la garantie de droits minimaux au sein de l’Union Européenne des voyageurs
l’amélioration significative de l'accès et l’assistance pour les personnes handicapées et à mobilité réduite
une transparence accrue des contrats de transport
les billets directs
un meilleur traitement des réclamations et une meilleure qualité de service
une meilleure information et non discrimination
l’agrandissement des espaces dédiés aux vélos.
Si les deux Règlements ferroviaires ont près de 25 pages de différence (28 pour l’ancien Règlement de 2007 et 52 pour celui de 2021), plusieurs droits fondamentaux des voyageurs étaient déjà garantis et assez complets sous l’égide du Règlement européen n°1371/2007. Tels étaient le cas de la clarté et de l’accessibilité de l’information et du contrat de transport, de la non-discrimination, notamment pour les personnes handicapées et à mobilité réduite, ainsi que de la qualité du service, de la sécurité et du système de réclamations.
Les retards, annulations et correspondances manquées étaient également couvertes par le Règlement 1371/2007. Conformément aux dispositions du Règlement de 2007, dès qu’un train avait plus de 60 minutes de retard à la destination finale prévue, les voyageurs se voyaient proposer à leur convenance soit :
un remboursement intégral du billet pour la partie non effectuée de leur voyage; ou
la poursuite du voyage ou au réacheminement dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais ou à une date ultérieure, à leur convenance.
Si les voyageurs ne choisissaient pas le remboursement, mais la poursuite du voyage, ils pouvaient alors demander une indemnisation minimale équivalente à :
25 % du prix du ticket pour un retard de 60 minutes jusqu’à 119 minutes;
50 % du prix du ticket pour un retard de 120 minutes et plus.
En tous les cas, dès lors que les voyageurs souffraient d’un retard à l’arrivée ou au départ de plus de 60 minutes, ils avaient le droit :
d’être informés de la situation ainsi que des heures de départ et d’arrivée prévues;
à des repas et rafraîchissements;
à un hébergement si une ou plusieurs nuitées devenaient indispensables;
au transport jusqu’à la gare ou à l’autre point de départ ou à la destination finale si le train était bloqué sur la voie.
Dès l’entrée en vigueur du nouveau Règlement européen n°2021/782 le 7 juin 2023, les droits des passagers ferroviaires et l'obligation du transporteur à leurs égards en cas de retards, d’annulation et de correspondance manquée sont listés des articles 17 à 20 du chapitre IV.
Le nouveau Règlement n°2021/782 met réellement l’accent sur le remboursement et le réacheminement du passager. L’article 16 relatif au remboursement et le réacheminement devient l’article 18 et se constitue désormais de 7 paragraphes contre seulement un petit a) b) et c) dans le Règlement n°1371/2007. Les nouvelles dispositions de l’article 18 se montrent très complètes et très protectrices du voyageur. En effet, il est dorénavant précisé que pour tout réacheminement du passager (changement de classe ou autres modes de transport) suite à l’annulation ou le retard de son train, le voyageur ne subira aucun frais supplémentaire à sa charge.
Les entreprises ferroviaires sont également tenues de s’efforcer d’éviter des correspondances supplémentaires, de placer les voyageurs dans une voiture de classe inférieure et de réduire le plus possible le retard dans la durée totale du voyage.
Conformément à l’article 18, le voyageur a le droit de conclure un contrat avec d’autres prestataires de services de transport public par chemin de fer, autocar ou autobus dont les coûts seront remboursés par l’entreprise ferroviaire qui devait délivrer son service si cette dernière n’a pas communiqué au voyageur les possibilités de réacheminement disponibles dans un délai de 100 minutes à compter de l’heure de départ prévue de son train.
Nouveauté de l’article 18 : les personnes handicapées et à mobilité réduite sont incluses dans les dispositions relatives au réacheminement. Il est en effet précisé que les prestataires de services de transport de réacheminement doivent fournir aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite un niveau d’assistance et d’accessibilité comparable lorsqu’ils proposent un service de remplacement. Il peut même s’agir d’un traitement préférentiel face aux autres voyageurs et d’une attention de soins particulière.
Le Règlement n°2021/782 vient également couvrir un vide textuel du précédent texte en précisant que les remboursements des billets de train doivent être effectués dans un délai de 30 jours suivant la réception de la demande. Les demandes sont quant à elles facilitées de façon à aboutir à un meilleur service client et traitement des réclamations. Le paragraphe 7 de l’article 18 se clôture en effet en spécifiant que si jamais une demande d’un voyageur n’est pas suffisamment précise, l’entreprise ferroviaire doit lui demander de la clarifier et de lui apporter assistance à cette fin.
Dans l’ancien Règlement 1371/2007, l’article 17 réservé aux indemnisations des passagers était intitulé “Indemnisation relative au prix du billet”. Désormais, l’article 19 du Règlement 2021/782 s’intitule simplement “Indemnisation”. Cela n’a rien d’anodin, car cela signifie que le droit à l’indemnisation du voyageur n’est plus subordonné à une quelconque condition relative au prix du billet. Petite exception cependant, les deux textes précisent bien que les entreprises ferroviaires peuvent fixer un seuil minimal au-dessous duquel aucune indemnisation ne sera payée, pourvu qu’il ne dépasse pas les quatre euros.
Au niveau du montant de l’indemnisation accordée, rien ne change. Lorsque le retard du train ne donne lieu à aucun remboursement du billet, et quand bien même le passager est réacheminé, ce dernier est en droit d’exiger une indemnisation du transporteur ferroviaire.
Le voyageur peut alors exiger :
25 % du prix du billet en cas de retard d’une durée comprise entre 60 et 119 minutes,
50 % du prix du billet en cas de retard de 120 minutes ou plus.
une indemnisation adéquate pour les voyageurs détenant une carte de transport ou un abonnement et qui sont confrontés à des annulations ou retards récurrents (même de moins de 60 minutes comme le précise le nouveau Règlement).
Là où la différence de texte est particulièrement frappante entre les deux Règlements, c’est au niveau de la précision du nouveau contenu quant à la possibilité de l’entreprise ferroviaire de refuser d’indemniser un voyageur.
Dans le Règlement n°1371/2007, il était simplement précisé que le voyageur n’avait droit à aucune indemnisation s’il avait été informé du retard avant d’acheter le billet ou si le retard imputable à la poursuite du voyage à bord d’un autre train ou à un réacheminement restait inférieur à soixante minutes.
Les friands du droit aérien pourraient alors s’insurger à la lecture de ce simple article de l’ancien Règlement ferroviaire. En effet, ce dernier était très peu précis, succinct et ne couvrait pratiquement aucune situation exonérant éventuellement l’entreprise ferroviaire de son obligation d’indemniser les voyageurs. Il était alors nécessairement constamment éclairci par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). En droit aérien par exemple, bien que le Règlement européen n°261/2007 relatif à la protection des droits des passagers aériens ait régulièrement besoin d’être précisé par des arrêts de la CJUE, il a le mérite d’être plus précis et de couvrir les situations dans lesquelles la compagnie aérienne peut refuser d’indemniser son passager.
Précisément, afin de pallier les zones floues et le vide textuel du Règlement de 2007, l’article 19 du Règlement n°2021/782 ajoute désormais qu’une entreprise ferroviaire n’est pas tenue de verser une indemnisation dans certaines circonstances. L'entreprise ferroviaire est exonérée de son obligation d’indemnisation si elle prouve que le retard, la correspondance manquée ou l’annulation a été causé directement par, ou était intrinsèquement lié à :
“a) des circonstances exceptionnelles extérieures à l’exploitation ferroviaire, telles que des conditions météorologiques extrêmes, une catastrophe naturelle majeure ou une crise de santé publique majeure, que l’entreprise ferroviaire, bien qu’elle ait fait preuve de la diligence requise dans les circonstances de l’espèce, ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles elle ne pouvait pas obvier;
b) une faute du voyageur; ou
c) le comportement d’un tiers que l’entreprise ferroviaire, bien qu’elle ait fait preuve de la diligence requise dans les circonstances de l’espèce, ne pouvait pas éviter et aux conséquences duquel elle ne pouvait pas obvier, comme la présence de personnes sur la voie ferrée, le vol de câbles, les urgences à bord du train, les activités de maintien de l’ordre, le sabotage ou le terrorisme”.
Le Règlement précise toutefois que “les grèves du personnel de l’entreprise ferroviaire, les actes ou omissions d’autres entreprises exploitant la même infrastructure ferroviaire et les actes ou omissions des gestionnaires de l’infrastructure et des gares ne sont pas couverts par la dérogation visée au point c) du premier alinéa”.
Quant au droit à l’assistance, ce dernier n’est pas fondamentalement différent. Il en reste qu’il a été renforcé pour les personnes handicapées et à mobilité réduite, notamment en termes de communication d’information dans les gares non dotées de personnel.
Là où le Règlement n°2021/782 est particulièrement remarquable face à son précurseur, c’est en matière d’indemnisation relative à l’équipement et aux aides des personnes handicapées et à mobilité réduite en gare. Son nouvel article 25 énonce désormais que lorsque les entreprises ferroviaires et les gestionnaires des gares provoquent la perte ou l’endommagement de tout équipement de mobilité, mais également la perte ou la blessure de chiens d’assistance, ils en sont tenus responsables et doivent octroyer une indemnisation.
Le nouveau texte est extrêmement inclusif et protecteur de tous les voyageurs à mobilité réduite en ce qu’il rappelle que les entreprises ferroviaires et les gestionnaires des gares doivent tout mettre en œuvre pour remplacer temporairement les équipements de mobilité ou les dispositifs d’assistance nécessaires endommagés ou perdus. Les passagers sont en droit de garder ces équipements jusqu’à perception de leur indemnisation.
Le train ou l'avion sont des moyens de transport, ils ne représentent qu'une partie du voyage. En effet, un voyage va souvent plus loin que la gare ou l'aéroport, la destination finale est un processus de trajets. Cela implique dans une grande partie des cas que le voyage se compose de plusieurs moyens de transport.
En tant que spécialiste du transport aérien, il est bon de comprendre les interactions entre le retard et l'annulation d'un moyen de transport sur l'autre, vis-à-vis du train.
Dans une première hypothèse, il se peut que la perturbation d'un vol empêche le passager de prendre un train.
Dans ce cas, le fait de rater son train est un préjudice dont le transporteur aérien ne peut pas être tenu responsable. Le règlement européen 261/2004 prévoit une indemnisation du fait de l'annulation, du refus d'embarquement ou d'un retard excessif à l'arrivée, mais cette indemnisation ne compense que le stress et l'attente résultant de la perturbation, et donc inapplicable aux préjudices postérieurs comme le fait de rater son train en raison de la perturbation de vol.
Cependant, l'article 12 du même règlement offre un moyen de compenser un préjudice particulier au passager. Il s'agit d'une indemnisation complémentaire, appréciée au cas par cas pour un préjudice individuel du passager du fait de la perturbation. La Cour européenne en a déduit, dans un arrêt Rusu, que le transporteur pouvait être redevable d'une indemnisation en raison de la perte de gain du passager après le vol perturbé. En l'espèce, elle a indemnisé la perte de journées de travail d'un salarié, n'ayant pas pu être au travail.
Donc, une telle indemnisation peut être possible, c'est-à-dire la prise en charge de la perte des billets de train, mais du fait de l'imprécision des critères du préjudice, elle est laissée à la libre appréciation des juges, donc imprévisible dans des cas non traités.
Cette solution s’appliquerait aussi dans le cas d’unbillet air/train. L’indemnisation complémentaire du règlement renvoie au droit national, donc on retrouve le raisonnement de l’engagement de la responsabilité contractuelle pour inexécution du contrat. Pour un billet air/train, la réservation unique donne plus d’importance à ce raisonnement, issu du droit civil français.
Mais, du fait de la rareté des cas, il n’y a pas assez de matière pour assurer le remboursement sur la base de l’article 12 du règlement.
L'autre hypothèse est celle où, à l'inverse, la perturbation d'un trajet en train fait rater le vol d'un passager.
Pendant longtemps, en France, la SNCF n'a pas été tenue responsable de cette situation car elle ne pouvait prévoir à l'avance, dans ces obligations, le transport postérieur en avion. Dans le contrat de transport, le dommage n'était pas prévisible, rien n'indiquait qu'elle devait être tenue responsable pour un trajet postérieur non assuré par ce même transporteur. Une solution logique d'exclusion de la responsabilité contractuelle, on est responsable que de ce qui est ou peut être prévu dans le contrat au moment de sa formation.
Il existe aussi un autre cas de figure lorsque le passager réserve via la SNCF ou via Air Caraïbes. Ici la solution peut donc être différente car il s’agit d'un billet train/air, c'est-à-dire une réservation unique comprenant les deux moyens de transports dans un billet.
C'est le cas des billets TGVAir, la SNCF concluant avec de nombreuses compagnies aériennes des accords afin de proposer des voyages complets, plus sécurisant pour les passagers. Dans ce cas, la compagnie ferroviaire connaît la suite du voyage, le dommage devient prévisible et donc elle pourrait être reconnue responsable.
Mais dans ce cas, le Règlement européen 261/2004 n'aurait pas vocation à s'appliquer quand même. En effet, ce texte ne s'applique qu'aux transporteurs aériens. Par conséquent, l'indemnisation réglementaire prévue dans ce texte, n'est pas exigible au transporteur ferroviaire. Il est possible de s'appuyer sur le droit civil français, en mettant en avant une inexécution du contrat, ou du moins une exécution partielle. Ce préjudice offre droit à des dommages et intérêts, mais implique un préjudice certain et d'une certaine importance. Elle tend aussi à se finaliser par une procédure judiciaire.
Le transporteur aérien peut se voir imposer l'indemnisation du règlement, mais dans un cas pareil, il est peu probable qu'il soit reconnu responsable. Du fait, que le trajet perturbé soit opéré par un autre transporteur, il est possible pour le transporteur aérien de s'exonérer facilement de son obligation d'indemnisation.
Au final, le billet train/air garantit au passager le réacheminement et la prise en charge par le transporteur ferroviaire, ainsi que le transporteur aérien selon les accords passés. Mais au sujet de l'indemnisation, les textes ne semblent pas prendre en compte ces possibilités, ou du moins de manière partielle.
En pratique, les transporteurs sont réticents à compenser des préjudices postérieurs, qu'ils soient responsables ou non, et le recours au judiciaire semble presque inévitable dans certaines situations. C'est encore une fois aux juges nationaux et au juge européen de trouver les solutions à ces questions.
Le droit de l’Union Européenne en la matière ne cesse de s’étoffer au cours des années suite à la modernisation et au développement de tous les types de transports. La Cour de Justice de l’Union Européenne en est d’ailleurs la première gardienne grâce à son interprétation des textes en faveur des consommateurs, au rendu régulier de ses arrêts et à ses réponses aux questions préjudicielles. Pour cette comparaison, il est important de garder à l’esprit que le Règlement garantissant les droits des passagers aériens date de 2004 tandis que la refonte du Règlement relatif aux voyageurs ferroviaires date de 2021. En effet, l’information n’est pas anodine : les praticiens du droit aérien ne cessent d’exprimer leur volonté de voir la proposition d’une refonte du Règlement 261/2004 voir le jour.
À la simple lecture du nouveau Règlement européen n°2021/782, il apparaît que les voyageurs ferroviaires sont protégés d’une manière beaucoup plus explicite, et laisse moins de place au vide juridique. Il faut dire que ce nouveau texte est particulièrement inclusif. Ce dernier inclut en effet les personnes à mobilité réduite d’une façon beaucoup plus importante que dans le Règlement aérien. Dans le Règlement 261/2004, bien que son article 11 soit consacré aux “Personnes à mobilité réduite et autres personnes ayant des besoins particuliers”, il n’en reste qu’il énonce simplement que le transporteur aérien effectif est tenu de “veiller tout particulièrement aux besoins des personnes à mobilité réduite ou de toutes les personnes qui les accompagnent”, sans grand détail. Un aspect particulièrement problématique s’en dégage, c’est le manque de contenu garantissant des droits quant aux équipements des personnes à mobilité réduite. Rien n’est dit sur la responsabilité du transporteur aérien quant à la perte et à l’endommagement d’un équipement d’assistance pour les personnes à mobilité réduite. En décembre dernier encore, une passagère s’était plainte publiquement sur les réseaux sociaux de l’endommagement sévère de son fauteuil roulant qui était devenu inutilisable. Pour les voyageurs ferroviaires, le Règlement n°2921/782 explicite très clairement que l’entreprise ferroviaire est tenue dans ce cas de remplacer l’équipement endommagé immédiatement jusqu’à obtention d’une indemnisation. Dans le Règlement n°261/2004, seul l’article 12 prévoit potentiellement une “indemnisation complémentaire” mais sans précision aucune.
Un autre point appréciable, c’est que le Règlement n°2021/782 insiste particulièrement sur l'interdiction de la discrimination, une notion qui n’est même pas une seule fois abordée dans le Règlement n°261/2004. Le texte précise en effet que “les États membres devraient interdire la discrimination sur le fondement de la nationalité du voyageur ou du lieu d’établissement à l’intérieur de l’Union de l’entreprise ferroviaire, du vendeur de billets ou du voyagiste”. Ce dernier s’engage à respecter les droits fondamentaux et les principes reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier l’interdiction de toute forme de discrimination. Concrètement, cela se traduit dans le texte comme une obligation des entreprises ferroviaires de proposer des tarifs-non discriminatoires, une assistance accrue aux personnes handicapées et à mobilité réduite, et un accès et des informations ou demandes d’indemnisation accessibles à tous.
Petite nuance toutefois, le Règlement européen n°261/2004 reste assez avantageux pour les passagers dans le sens où l’annulation d’un vol et l’indemnisation qui en découle est beaucoup plus évidente que pour l’annulation d’un train dans le Règlement n°2021/782. La situation d’une annulation de train n’est pas très claire chez les ferroviaires en termes d’indemnisation, dans la mesure où le Règlement ne définit pas l’annulation. Qu’est-ce qu’une annulation de train concrètement ? À partir de combien d’heures de retard peut-on considérer un train comme annulé ? L’ennui, c’est que l’article 19 du Règlement n°2021/782 relatif aux indemnisations n’évoque même pas l’annulation, il est en effet uniquement fait référence au retard. Il y a presque cette impression que seul le retard pourrait être sujet à une indemnisation pour le voyageur, alors que c’est généralement l’annulation d’un train qui porte le plus de préjudice à un voyageur. À l’inverse, dans le Règlement n°261/2004, l’annulation est clairement définie et consacrée par un article à part entière, l’article 5, qui renvoie directement à l’article 7 relatif aux indemnisations.
Le Règlement n°261/2004 a également le mérite de traiter et de couvrir la situation du refus d’embarquement qui a la même valeur qu’un retard ou qu’une annulation de vol concernant les indemnisations dues aux passagers. Grâce aux dispositions de l’article 4 du Règlement n°261/2004, le passager refusé à l’embarquement contre sa volonté doit être immédiatement indemnisé par le transporteur effectif aérien. Dans le Règlement n°2021/782, il est simplement énoncé qu’une entreprise ferroviaire, un vendeur de billets ou un voyagiste ne peut refuser d’accepter une réservation ou d’émettre un billet pour une personne handicapée ou une personne à mobilité réduite. Cette notion de refus de voyager ou de monter à bord d’un train devrait peut-être être entendue et appréciée dans un sens plus large dans le Règlement.
Dans les deux cas, ce sera tout de même la CJUE qui restera l’acteur principal en la matière et qui permettra l’éclaircissement des zones d’ombre et l’uniformisation des règles, notamment quant à la responsabilité des transporteurs et entreprises. Tout ce que l’on peut souhaiter désormais, c’est une refonte du Règlement n°261/2004 pour la protection des passagers aériens, à l’image de la refonte du Règlement 1371/2007.