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Anaïs Escudié

Fondatrice - RetardVol.fr

18/06/2024

Condamnation de Vueling pour clause abusive : une victoire pour les passagers

Dans le cadre du transport aérien, les conditions générales de vente (dites aussi CGV) jouent un rôle central dans la relation entre le transporteur et ses passagers. 

Celles-ci régissent les relations contractuelles en établissant un cadre juridique détaillé des droits et obligations de chaque partie. Ces conditions sont souvent complexes et fastidieuses à saisir. Les consommateurs, souvent pressés ou confiants, acceptent ces CGV sans les examiner en détail. Sachez que certaines compagnies en jouent et jouissent de leur position de supériorité pour glisser des clauses qui frôlent la limite de l’entendement, voire même de l’abusif. 

C’est justement sur ce point là qu’une affaire a été portée devant le tribunal de commerce de Paris, menant à une décision cruciale opposant la compagnie aérienne Vueling à la société RetardVol. Ce jugement vient affirmer que la clause insérée dans les CGV de Vueling est abusive dès lors qu’elle entrave la saisine de sociétés tierces.

Une clause litigieuse dans les conditions générales de Vueling

La clause litigieuse en question énonce que si un passager est affecté par un retard, une annulation ou une surréservation comme considéré par le règlement 261/2004, ceux-ci doivent d’abord adresser leur demande à la compagnie aérienne Vueling et attendre un délai de trente jours, avant de saisir un tiers (avocat ou société spécialisée comme RetardVol.fr).

Ce mode de procédé apparaît purement abusif au sens des dispositions de l’article L212-1 du Code de la consommation, du fait du déséquilibre qu’il crée pour les passagers, consommateurs dans le contrat de transport signé avec la compagnie, non renseignés sur leurs droits et devant avoir la possibilité de faire intervenir un tiers pour défendre au mieux leurs intérêts à l’encontre d’une compagnie telle que Vueling.

Par ailleurs, cette interprétation, viole le principe de libre accès à la justice, puisqu’il tend à dissuader nombre de justiciables de bénéficier de l’intervention d’un tiers ou d’un Avocat pour faire valoir leurs droits, au moment où ils l’ont décidé. En effet, conformément aux dispositions des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, il convient que soient assurées aux justiciables des garanties égales notamment quant au respect du principe du libre accès à la justice, impliquant qu’il n’existe pas de déséquilibre des droits des parties ni de privation quelconque de faire appel à un tiers pour l’aider dans ses démarches ou faire valoir ses droits devant une juridiction compétente.

Il est évident qu’un passager ne maîtrisant pas l’informatique, la langue française ou n’ayant pas la possibilité matérielle d’effectuer cette démarche directement auprès de Vueling se trouve en position d’infériorité face à une compagnie aérienne qui connaît parfaitement ses droits.

Par conséquent, l’impact pour les consommateurs est direct : ceux-ci ne peuvent saisir directement une société tierce d’indemnisation aérienne sans se voir opposer un refus systématique de Vueling. Exiger que le passager adresse sa réclamation en premier lieu à la compagnie revient à limiter ses droits procéduraux mais également à limiter le conseil qu’il peut avoir auprès de tiers spécialisés qui connaissent parfaitement le droit applicable.

C’est dans ce contexte qu’il revient alors au Tribunal de commerce de reconnaître ou non le caractère abusif d’une telle clause. 

Les arguments opposés par Vueling

Ce litige oppose Vueling, la compagnie aérienne espagnole, et RetardVol qui accuse un retard de traitement de ses dossiers à cause de la clause 7.2. 

Vueling considère que la clause 7.2 présente dans les conditions générales n’est pas abusive. Cependant ladite clause est retirée des conditions générales durant la procédure.

L’argument de défense premier de Vueling est donc d’affirmer que le litige est sans objet dès lors qu’elle a procédé à la suppression de la clause 7.2 de ses conditions le 8 juin 2022, et cela après que RetardVol ait entamé une procédure judiciaire. Ce retrait, pour autant n’était pas effectif, puisque la clause litigieuse continua d’être opposée par Vueling dans les réclamations postérieures à la prétendue suppression ! Le Tribunal a considéré que le litige n’est pas sans objet et rejette l’argument de Vueling.

Vueling tente, à plusieurs reprises, de tromper le tribunal en évoquant d’autres directives européennes qui sont sans lien avec le présent litige.

Les arguments de Vueling n’ont pas conquis le Tribunal de commerce. Après avoir rejeté successivement tous les arguments de cette dernière, le juge a dû se prononcer sur la validité de ladite clause. 

Une clause jugée abusive au regard du droit commun des contrats 

Avant d’examiner la clause 7.2 à l’aune du droit commun des contrats, le juge du Tribunal de commerce étudie la disposition face au droit de la consommation. Il le fait notamment au regard de l’article R.212-1 qui édicte les conditions d’abus d’une clause, et conclut qu’au regard de celui-ci, la clause ne peut être réputée abusive. Le tribunal dit en conséquence que : « l’article L 212-1 du code de la consommation est applicable en l’espèce mais dira que l’article 7.2 du contrat de Vueling ne peut être qualifié d’abusif au visa de celui-ci. »

En revanche, sur l’application du droit commun des contrats, le juge affirme que les conditions générales de Vueling constituent un contrat d’adhésion. A ce titre, l’article 1171 du Code civil énonce que “dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite” ce qui est le cas en espèce. 

Le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est constitué à deux niveaux. 

  • En premier lieu, le déséquilibre est caractérisé dès lors que Vueling entrave la possibilité pour les passagers de confier immédiatement le recouvrement de leur indemnité à un mandataire estimé plus compétent qu’eux pour défendre leurs intérêts car ceux-ci sont plus familiarisés avec ce genre de procédure.

  • En second lieu, la succession d’interlocuteurs et de réclamations fragilise la position des passagers par rapport à la compagnie aérienne renforçant le déséquilibre.

Ainsi, dans le jugement SAS RETARVOL c/ SA VUELING AIRLINES, le Tribunal de commerce de Paris a jugé que la clause de la compagnie Vueling crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Et cela en ce sens qu’elle impose aux passagers de présenter leur demande d’indemnisation directement et d’attendre un délai avant de recourir à un tiers. 

La clause est donc réputée non écrite et ne peut pas être opposée ni à RetardVol, ni aux passagers. 

Le juge condamnera la société Vueling à procéder au traitement des dossiers antérieurs à la suppression de la clause et à verser les indemnisations dues

La compagnie aérienne Vueling n’a pas fait appel de ladite décision.

Il convient aujourd’hui de communiquer sur ce litige dès lors que des centaines de dossiers sont encore bloqués et attendent d’être instruits par la compagnie Vueling. En effet, malgré cette décision positive, encore près de 200 passagers sont dans l’attente de leur indemnisation, certains désespèrent même de recevoir un jour le remboursement de leurs billets annulés suite au Covid. En rendant publique cette information en ce jour, RetardVol cherche à assurer la transparence et à faciliter le processus pour les passagers concernés, en les aidant à obtenir rapidement les réparations auxquelles ils ont droit en vertu du Règlement.

De plus, la jurisprudence RETARDVOL a été confirmée par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Dans l’affaire, CJUE 29 févr. 2024, aff. C-11/23, Eventmedia Soluciones SL c/ Air Europa Líneas Aéreas, la Cour n’a pas manqué de souligner qu’aucune clause prohibant la cession des droits dont jouit le passager aérien à l’égard du transporteur aérien effectif ne peut être ajoutée dans un contrat de transport. Ceci met à nouveau en exergue le souhait qu’un passager soit libre d’effectuer un recours sans délai imposé et auprès d’un transporteur aérien, via un avocat ou en cédant sa créance auprès d’une société tierce comme RetardVol.

La presse en parle :

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