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Paulo Zamo Goncalves

Juriste - RetardVol.fr

14/04/2025

La CJUE confirme que la carte d’embarquement est un mode de preuve irréfragable

Les faits : un forfait touristique, une carte d’embarquement, et 22 heures de retard

Dans l’affaire CJUE, C-20/24, les requérants avaient réservé un voyage à forfait via une agence de voyages, incluant un vol Tenerife – Varsovie. À l’arrivée, le vol enregistrait un retard de 22 heures. Les passagers ont sollicité une indemnisation sur le fondement du règlement 261/2004, produisant uniquement leurs cartes d’embarquement comme preuve de leur réservation.

Le transporteur aérien a refusé d’indemniser, invoquant deux moyens de défense :

  • Les voyageurs n’auraient pas démontré qu’ils disposaient d’une réservation confirmée, la carte d’embarquement n’étant pas suffisante ;

  • Ils auraient voyagé à un tarif réduit, obtenu par l’agence dans le cadre d’un contrat de groupe, ce qui les exclurait du champ d’application de l’article 3 §2 du règlement.

Entre droits théoriques et contestations pratiques

Le Règlement (CE) n° 261/2004 constitue depuis 2004 le socle de la protection des passagers aériens dans l’Union européenne. Il prévoit notamment un droit à indemnisation en cas de vol annulé ou retardé de plus de trois heures. Toutefois, dans la pratique, les passagers se heurtent encore à des obstacles lorsque les compagnies exigent des preuves supplémentaires ou contestent le droit à indemnisation en invoquant, par exemple, un prétendu tarif réduit ou une réservation non confirmée.

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la CJUE du 6 mars 2025 illustre bien cette situation : des passagers victimes d’un retard de 22 heures sur un vol Tenerife – Varsovie ont vu leur demande d’indemnisation rejetée au motif qu’ils auraient voyagé à un tarif promotionnel, et que leur carte d’embarquement ne constituait pas, selon le transporteur, une preuve suffisante.

Cette position, souvent adoptée par certains transporteurs pour réduire le volume d’indemnisations à verser, reposait sur une lecture restrictive des articles 2 et 3 du règlement. Ces articles définissent les conditions d’application du droit à indemnisation, notamment la notion de réservation confirmée et d’exclusion pour les tarifs réduits non accessibles au grand public.

La CJUE tranche en faveur du passager

La Cour rejette fermement l’interprétation du transporteur.

Sur la preuve de la réservation :

La carte d’embarquement constitue, selon la CJUE, une « autre preuve » au sens de l’article 2, point g), du règlement. En ce sens, elle est suffisante pour établir l’existence d’une réservation confirmée et donc pour ouvrir droit à indemnisation.

Cette position s’inscrit dans la lignée de l’arrêt CJUE, C-11/23, Eventmedia Soluciones SL c. Air Europa (29 février 2024), où la Cour rappelle que la protection des passagers ne saurait être subordonnée à une formalité excessive de preuve.

Sur le tarif réduit :

La Cour opère un renversement de la charge de la preuve : c’est au transporteur de démontrer que le passager a effectivement voyagé à un tarif exclu du champ d’indemnisation. Le simple fait que le billet ait été acquis dans le cadre d’un voyage à forfait, ou à des conditions préférentielles négociées entre professionnels, ne suffit pas à caractériser un tarif réduit non accessible au public.

La CJUE reprend ici une logique déjà esquissée dans l’arrêt CJUE, C‑532/17, Wirth c. Thomson Airways (4 juillet 2018), où elle distingue la nature contractuelle du lien passager–transporteur de celle existant entre voyagistes et compagnies aériennes.

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Une décision pragmatique au service de la protection des passagers

Avec cet arrêt, la CJUE poursuit sa ligne jurisprudentielle favorable aux passagers, en privilégiant une lecture téléologique du règlement 261/2004. En reconnaissant la carte d’embarquement comme preuve suffisante, elle allège la charge de la preuve pour les voyageurs, tout en réaffirmant que le droit à indemnisation ne peut être écarté qu’en présence d’éléments concrets et démontrés par le transporteur.

Cette décision devrait être saluée tant par les praticiens du droit que par les consommateurs : elle sécurise les recours indemnitaires et freine les pratiques dilatoires de certains transporteurs. Elle rappelle aussi que le régime de responsabilité instauré par le droit européen en matière de transport aérien n’est pas une simple promesse, mais un engagement à respecter.

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