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Elise LEFORT

Juriste - RetardVol.fr

22/10/2024

Une jurisprudence retentissante pour les voyageurs aériens

Le 17 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt très protecteur pour les passagers. La CJUE a clarifié et renforcé les droits des passagers aériens en statuant - à nouveau - sur des hypothèses non prévues par le règlement(CE) n°261/2004

Cet arrêt fait suite à deux questions préjudicielles concernant l'interprétation de l'article 2, point j), de l'article 4 et de l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance aux passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard important d'un vol. 

Ces demandes ont été introduites dans le cadre de différends impliquant, dans l'affaire C-650/23, un transporteur aérien et un passager, et, dans l'affaire C-705/23, Flightright, contre Condor Flugdienst GmbH, un transporteur aérien, en lien avec l'indemnisation de ces passagers en vertu du règlement n° 261/2004.

Les faits

Dans l'affaire C-650/23, il était question d’un passager (DW), avec réservation confirmée, pour un vol prévu le 29 septembre 2019, au départ d’Héraklion en Grèce et à destination de Linz en Autriche. Ce passager avait réservé un voyage à forfait auprès d’un organisateur de voyage. Un jour avant le départ prévu, le passager a reçu de l'organisateur de voyages une communication modifiant les horaires et la destination de son vol. Le vol n’avait plus pour destination Linz mais Vienne, en plus d’être décalé de 5H30. 

Du côté de la compagnie aérienne, celle-ci a reçu, environ 24 heures avant le départ, une liste des passagers à transporter où figuraient uniquement les noms et prénoms des passagers. Cependant sur cette liste, ne figurait pas le nom du passager en question.

Le passager DW ne s’est donc pas présenté à l’enregistrement du vol initialement prévu au vue de la communication de l’organisateur de voyage modifiant son itinéraire et ses horaires de vol.

Il est donc question de savoir si la modification unilatérale de la réservation par l’organisateur de voyage peut être invoquée pour établir un refus d’embarquement qui serait imputable au transporteur aérien. 

Concernant l’affaire C-705/23, deux passagers aériens avaient réservé, par l'intermédiaire d'un organisateur de voyages, un voyage à forfait qui incluait les vols aller et retour entre Düsseldorf (Allemagne) et Fuerteventura (Espagne) et devant être opérés par Condor.

L'organisateur du voyage a informé ces deux passagers de l'annulation de leur vol aller et de la modification de leur réservation, le départ étant désormais prévu pour le 20 juillet 2020. Sur la base de cette notification, les passagers se sont présentés à l'aéroport non pas le 18 juillet 2020, mais seulement le 20 juillet 2020. Or le vol a bien été opéré le 18 juillet 2020. 

Ayant cédé leurs droits à Flightright, la société d’indemnisation fait valoir que les actes de l'organisateur de voyages doivent être imputés au transporteur aérien et qu'ils caractérisent un refus d'embarquement anticipé par ce dernier. De plus, pour le passager qui n'a pas consenti à la modification de sa réservation, celle-ci serait assimilée à un refus d'embarquement sur le vol initialement prévu.

Une solution protégeant les voyageurs à forfait

La CJUE établit une distinction entre l’annulation et le refus d’embarquement. Ici, dans les litiges en cause, on ne saurait les considérer comme annulés. L’annulation étant définie  comme “le fait qu'un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n'a pas été effectué”, ce qui n’est pas le cas présentement. En effet, les notifications des organisateurs de voyages doivent être appréhendées au regard de la notion de “refus d’embarquement et non pas d’annulation.

Cela étant précisé, il convient d'examiner, d'une part, si la notion de 'refus d'embarquement' inclut le refus d'embarquement anticipé sur un vol qui a malgré tout été effectué, et, d'autre part, si le transporteur aérien peut être tenu responsable des informations incorrectes concernant le report ou l'annulation d'un vol que l'organisateur de voyages a communiqué aux passagers.

La CJUE rappelle également que le refus d’embarquement anticipé (arrêt C-238/22) est caractérisé sans qu’il y ait besoin que le passager ne se présente à l’embarquement. La subtilité ici est que l’information relative au refus d’embarquement n’a non pas été communiquée par le transporteur mais par l’organisateur de voyages. La Cour est claire sur le sujet : cette subtilité n’importe peu dans l’interprétation des dispositions

La juridiction européenne rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que le transporteur aérien effectif peut être tenu responsable des informations incorrectes concernant le report ou l'annulation d'un vol que l'organisateur de voyages a transmises aux passagers. Cela en premier lieu car plusieurs dispositions du règlement n’opèrent pas de distinction entre l’organisateur ou le transporteur. Il découle ainsi de l’arrêt du 21 décembre 2021, Azurair que les passagers aériens peuvent se fier aux informations transmises par le transporteur aérien effectif ou par l'organisateur de voyages concernant l'heure d'embarquement ou leur transfert sur un autre vol.

Enfin, la Cour déclare qu'un passager aérien qui disposait, dans le cadre d'un voyage à forfait, d'une réservation confirmée pour un vol peut demander au transporteur aérien effectif l'indemnisation prévue à l'article 7, dans l'hypothèse où l'organisateur de ce voyage a, sans en informer préalablement ce transporteur, avisé ce passager que le vol initialement prévu ne serait pas assuré, alors même que ce vol a été opéré comme prévu.

On ne peut que féliciter la CJUE pour ce nouvel arrêt protecteur des passagers. Il s’inscrit directement dans l’esprit du règlement dont le considérant 1 énonce, rappelons le, que “l'action de la Communauté dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général”.

La CJUE  interprète et comble les dispositions manquantes du règlement (CE) 261/2004, il apparaît encore une fois nécessaire de le moderniser. 

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